Histoire

L'aéromodélisme à

l'école publique

 Dans un ouvrage des années 50, concernant l'histoire de l'École publique, on peut trouver un chapitre consacré exclusivement à la pratique de l'aéromodélisme à l'école. Le voici, intégralement retranscrit. L'auteur en était Lucien LEYRAUD, Professeur au Collège Moderne d'Issoudun. Surprenant , instructif. Vous constaterez que le vocabulaire modéliste n'a vraiment pas changé depuis ...


 

"Aéromodélisme, porte qui s'ouvre sur l'aviation, sur ce monde merveilleux dont ont rêvé tous les hommes depuis les temps les plus reculés.

Aéromodélisme, à dix ou onze ans, cela consiste à découper des planchettes, assembler des baguettes pour construire soi-même un engin qui vole; à 13 ou 14 ans, on modifie les plans, on discute finesse, centrage, on tente de battre des records, à 16 ou 18 ans, on veut souvent, à son tour, connaître la joie de glisser dans l'espace.

Si, aux yeux du Service de l'Aviation Légère et Sportive, l'Aéromodélisme a pour but d'éveiller la vocation aéronautique, pour les maîtres de l'École publique, il est un puissant levier, qui leur permet de rendre leur enseignement plus vivant et plus efficace. Il suffit de voir des enfants au cours d'une séance d'Aéromodélisme pour se rendre compte de l'intérêt que ces exercices suscitent en eux. Le travail est exécuté avec le maximum de soin, les explications sur les forces, les surfaces..., etc., qui avaient été écoutées en classe régulière plus ou moins distraitement, sont suivies avec la plus grande attention. S'il le faut, de lui-même, l'Aéromodéliste révisera des formules de mathématiques, de physique, etc..., pour construire ou améliorer le rendement de son appareil.

Toujours à l'avant-garde de la recherche des méthodes actives qui peuvent "accrocher" leurs élèves, de nombreux maîtres utilisent l'Aéromodélisme comme "centre d'intérêt". Je recommande à ce sujet l'ouvrage : L'aviation - Centre d'intérêt scolaire; le livre de l'instituteur.

L'Aéromodélisme, activité pré-aéronautique ou centre d'intérêt scolaire, peut se pratiquer à partir de 10 ou 11 ans. Les appareils à réaliser sont très divers : planeurs, avions à caoutchouc, motomodèles, appareils pour vol circulaire contrôlé, radioguidés, maquettes fixes, etc ... Actuellement pour limiter les pertes de leurs modèles, les constructeurs sont obligés de limiter la durée des vols.

La liste officielle des records français, dont un certain nombre sont aussi des records mondiaux, est en 1951:

Planeurs:

  • Durée : Bougueret, à Chelles, 8 juillet 1945, 1 h. 16 min.
  • Altitude : Bougueret, à Chelles, 8 juillet 1945, 1.309 m.
  • Distance : Varache, Moiselles, 21 juillet 1945, 98 km. 720.

Avions à moteur en caoutchouc :

  • Durée : Chabot, en 1939, 31 min. 6 sec.
  • Distance : Pabois, 26 km
  • Vitesse : Daurelle, en 1938, 48,6 km./h.

Motomodèles :

  • Durée : Ducrot, à Chelles, 17 juin 1945, 25 min. 47 sec.
  • Distance: Ducrot, à Chelles, 27 août 1945, 45 km.6.
  • Altitude : Vaysse, à Chelles, 17 juin 1945, 1.830m.
  • Vitesse : Max Plan et Gladieux, octobre 1945, 48,8 km./h.

Vol circulaire :

  • 205 à 5 cc., Labarde 192 km./h.
  • 5 à 10 cc., Docteur Millet 212 km./h.

Dans nos écoles, il ne saurait être question d'entrer en compétition avec les détenteurs de ces records qui sont des spécialistes; cependant j'ai vu des appareils construits entièrement par des élèves, réaliser de véritables performances. Un D. 00, planeur de début, disparaît à l'horizon après un vol de 10 min., un petit avion à moteur à caoutchouc est retrouvé à 8 kilomètres du point de départ.

Les appareils réalisés par nos jeunes modélistes sont en majorité des planeurs, mais ils construisent aussi quelques avions à moteur à caoutchouc et quelques automodèles.

Commencer par faire construire des planeurs présente des avantages certains; le modèle réduit obtenu est peu coûteux, mois fragile et permet d'étudier plu facilement le réglage et les conditions du vol. Il faut d'ailleurs graduer les difficultés qui vont se présenter successivement à l'élève. Pour débuter, choisir un type simple: aile rectangulaire, fuselage plat.

Le découpage des nervures une à une, à la lame de rasoir, rebute parfois les modélistes; s'il est possible de faire réaliser par un grand élève en une seule opération 10 à 15 nervures à la scie à découper, le résultat obtenu par un débutant serait désastreux. Un collègue a d'ailleurs résolu le problème en découpant lui-même, à la scie à ruban, et par bloc de 20 ou 30, les nervures des appareils que construisent ses 24 élèves.

Quand le modéliste aura réalisé plusieurs types d'appareils, il sera alors possible de lui demander d'en "inventer" un à son tour. Le maître le guidera dans ses recherches : les proportions à observer, les écueils à éviter. Ne pas chercher à "voir" trop grand ou trop compliqué, un appareil simple qui se construit facilement donne toujours les meilleurs résultats.

 

Les modèles réduits n'ont pas de gouvernes, leur stabilité doit être parfaite. Ce résultat sera obtenu:

1. en modifiant la position de l'aile (déplacement du centrede poussée);

2. en augmentant ou diminuant le lest (déplacement du centre de gravité)

3. en faisant varier l'angle d'incidence du plan fixe.

La stabilité latérale est réalisée par des dérives et la perfection des formes. Bien faire sécher sur cales ailes et stabilisateur.

Le motomodèle présente un intérêt supplémentaire par le montage et le réglage de son moteur. Ces petits moteurs dont la cylindrée est comprise entre 1 et 10 cc. ont une puissance de 1/25e à 1/2 cv. Un moteur de 2,8cc., par exemple, pèse 140g., il a 78 mm. de hauteur, 16 mm. d'alésage, un course de 14 mm. et développe 9/100e de cv. à 4.800 tours/minute. Le carburant utilisé est l'éther ou le méthanol additionné d'huile de ricin. Le choix du moteur dépend de l'appareil à réaliser, pratiquement on compte 1cc. de cylindrée par 10 dm² de surface. On adopte aussi de préférence ceux qui fonctionnent par auto-allumage ou par bougie incandescente (glow plug) constituée par un filament porté au rouge par le passage d'un courant au moment de la mise en marche du moteur.

Si l'axe de l'hélice passe par le centre de gravité de l'appareil, il n'y a pas lieu de modifier l'équilibre longitudinal du planeur, mais si l'axe est en-dessous il faut tenir compte du moment cabreur qui est créé ; en dessus, dumoment piqueur. Quand l'hélice tourne, l'air réagit sur les pales et cette réaction se transmet à tout l'appareil qui tend à tourner en sens inverse du mouvement de l'hélice ; ce couple de renversement est autant plus grand que l'hélice est grande et tourne lentement. Pour le vol circulaire, en particulier, on corrige en inclinant légèrement l'axe de traction sur le côté.

 

Le réglage du motomodèle doit être fait avec le maximum de précision. Il faut commencer par obtenir un plané impeccable sans mettre le moteur en marche, sinon le premier essai risque de se terminer par la destruction plus ou mois complète de l'appareil. Le prix des moteurs (plus de 3.000 fr.) limite la construction des automodèles dans nos écoles.

L'Aéromodélisme est souvent considéré comme un jeu. C'est peut-être vrai, si le travail se réduit au simple montage d'une boîte de construction achetée dans le commerce. Pourtant l'éducateur sait l'utiliser pour le développement manuel, intellectuel et moral de ses élèves.

Ordre, soins, précision, doivent être apportés au tracé du dessin et à la réalisation du modèle qui demande 50, 100, ou 150 heures de travail. Exercice de travail manuel de premier ordre, qui oblige l'élève à étudier un plan, à le comprendre, parfois à le reproduire à une échelle donnée, puis à découper les nervures, les couples, ... etc ., et enfin à les assembler. Tous les élèves ne réussissent pas au premier essai, quelques -uns s'arrêtent par manque de courage, mais la majorité d'entre eux acquièrent peu à peu une habileté manuelle et une sûreté d'exécution, qui se retrouvent dans les autres exercices scolaires.

A ce travail manuel proprement dit s'ajoutent des questions de mathématiques, physique, mécanique, géographie, etc ..., que le maître peut préciser à ses élèves au cours des séances de construction. Surface d'une aile, rapport poids/surface. Centre de gravité ... Recherche du cumulus naissant qui va peut-être "pomper" leur appareil. Étude des lignes aériennes, etc ...

Il faut rester concret, surtout avec les jeunes élèves. Par exemple la finesse sera définie simplement en divisant la distance horizontale parcourue par la hauteur à laquelle le modèle a été lancé. Expérience facile à réaliser sur le terrain et qui permettra au maître de faire comprendre aussi les termes: vitesse horizontale, vitesse de descente, vitesse sur trajectoire ; de montrer que, pour deux planeurs ayant la même finesse, c'est le plus lourd qui a la vitesse la plus importante sur la trajectoire.

Enfin la section d'Aéromodélisme constitue une équipe ; même si chaque élève construit son appareil, c'est par groupe que sa réalisation est obtenue. Pas de jalousie : le modéliste qualifié conseille et encourage le débutant, le plus habile aide son camarade pour un travail délicat. L'esprit de solidarité se précise ; après chaque séance, l'outillage et le matériel sont ramassés et mis enplace ; la discipline librement acceptée, est même considérée comme nécessaire.

La récompense de leurs efforts, les élèves la trouvent dans une exposition bien réussie, une visite sur le terrain d'aviation le plus proche, les succès de la section aux compétitions aéromodélistes.

Dès 1937-38 des sections scolaires d'aéromodélisme existaient dans un certain nombre d'école de France - Seine, Seine-et-Oise, Indre, etc ... Quelques concours départementaux en réunissaient les élèves sélectionnés. C'est ainsi que le jeune Boitard, d'Issoudun remporta le 30 octobre 1938 la Coupe départementale de l' U.F.O.L.E.P. devant 43 concurrents avec un vol de 55 secondes ; coupe offerte par la Fédération de l'Indre et remise au vainqueur par l'Inspecteur Primaire de Châteauroux qui présidait la réunion.

En 1951, les École publiques groupent plus de 15.000 modélistes appartenant aux 850 sections C.L.A.P. de la Ligue de l'Enseignement. Si un tel développement prouve le dévouement des maîtres et l'enthousiasme des élèves, il n'a pu être possible qu'en raison du fait que le C.L.A.P. a si faire un tout homogène des nombreuses initiatives dispersées et grâce à l'aide financière des Fédérations Départementales, à la répartition de matériel et outillage gratuit par le Service de l'Aviation Légère et Sportive, et à l'appui bienveillant trouvé par les Délégués C.L.A.P. auprès de l'administration. "